L'arc républicain peut encore tirer quelques flèches

Yann Boissière

La dissolution, dans l’esprit de son concepteur, était censée apporter une clarification politique suite au rejet de la politique présidentielle et à la poussée sans précédent du Rassemblement national. Le premier tour des législatives, le dimanche 30 juin, n’a rien clarifié, mais n’a fait qu’amplifier l’incertitude et la dangerosité de la période qui s’ouvre pour notre pays. Non seulement la majorité présidentielle a été pulvérisée, et avec elle ses idéaux d’une politique raisonnable (quoi que l’on pense de ses succès et de ses échecs). Mais surtout : le Rassemblement national, aujourd’hui, se trouve aux portes du pouvoir.


Ne parlons pas « d’heure historique », parlons de « cataclysme ». Nous sommes à même de mesurer son ampleur en énonçant simplement cette phrase : moins de trois générations après la honte du gouvernement de Vichy -- celui qui en quelques décrets avait liquidé les idéaux républicains nés de la révolution, et avait livré avec zèle ses enfants juifs à l’occupant nazi --, trois générations après seulement, le mouvement qui en est issu historiquement, le Rassemblement national, est en passe de gouverner.
Cet engouement insensé a des causes, dont les principales sont la légèreté, depuis 20 ans, à jouer l’effet repoussoir pour mieux se faire élire, et donc à contribuer à lui donner une légitimé dans le jeu républicain ; et sans aucun doute, l’impuissance des gouvernements successifs à traiter certains problèmes essentiels pour les français.
L’heure immédiate, toutefois, n’est pas à l’analyse des causes, mais à la nécessité de choix, nécessairement beaucoup plus binaires que désirés.

Alors que la crise du Covid 19 a révélé, par défaut et par l’absurde, combien le lien social était la richesse première de nos sociétés, tout le monde en conviendra : l’harmonie entre tous, dans une société diversifiée, n’est en rien l’horizon premier des mouvements extrémistes, obsédés au contraire à opposer des portions différentes de la communauté nationale. La gauche extrême, de son côté, cherche à promouvoir les divisions au nom de la lutte des classes et de toute une artillerie d’outils intersectionnels, wokistes où ce qui fut jadis une nation se trouve désormais accusée d’entretenir les pires préjugés systémiques. Le rassemblement national, quant à lui, joue sur la division fondamentale entre français dits « de souche » et les autres, théorisant une notion étriquée de la nationalité française vouée à fabriquer non de l’unité mais de l’exclusion. En d’autres termes, les extrêmes, surfant sur le désir de radicalité de notre temps, cherchent à détruire les idéaux politiques issus de l’universalisme des Lumières.
A l’aune de ces valeurs, la situation est grave. Il est inconcevable de laisser le RN prendre le pouvoir. Ni de voter LFI, qui par électoralisme n’a pas hésité à importer le conflit entre le Hamas et Israël, flirtant avec l’antisémitisme sur le dos des français juifs. En clair, il s’agira de voter pour tout candidat permettant d’empêcher l’élection d’un candidat RN, qui ne soit pas LFI. Bref, de voter pour tout candidat qui incarne encore l’arc républicain, dont le carquois et les flèches, généreuses, offensives, résistantes, se trouvent encore entre nos mains !